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12 mai 2023 5 12 /05 /mai /2023 07:05

“ Le cœur est un instrument qui se rouille s’il ne travaille pas. “

Edgar Degas 

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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 18:11

Nous le savons de longue date, la société édicte des codes, des règles de bonne conduite, un savoir-être qui s’imposent ou doivent s’imposer à tous. Si ce tropisme est légèrement moins prégnant depuis quelques décennies, il faudra encore du temps, et certainement beaucoup de temps pour que chacune et chacun puisse être ce qu’il est au fond de lui, au plus profond de son être, sans craindre d’être stupidement jugé au nom d’une pseudo morale compassée. Songez qu’en France, par exemple, il a fallu attendre le 4 août 1982 pour que l’homosexualité cesse d’être un délit et permette ainsi aux personnes homosexuelles de s’émanciper. Bien entendu certaines discriminations ont la vie dure portées par des idéologies fumeuses se répandant toujours dans la société par la voix de courants de pensée obscurantistes. Suivez mon regard…

Ainsi en est-il également du genre, le sexe dont la nature nous a dotés, probablement selon quelque algorithme qui nous échappe et qui devrait s’imposer à nous comme une fatalité. Or, nous en avons pris conscience, le corps et l’esprit ne s’accordent pas toujours, prouvant en cela que la nature elle-même, toute puissante soit-elle, peut également commettre des erreurs.

 

Dans son roman intitulé « Frédéric, instants de grâce » Dominique Faure bat en brèche l’archaïsme de nos schémas  islamo-judéo-chrétiens, par l’entremise de la rencontre fortuite entre deux hommes devant être interviewés dans les studios de Radio 13 - Culture. Ecoutez plutôt :

« Je passe dans quinze minutes, juste après le compositeur de la musique du dernier film de Daniel Brant, seul membre de l’équipe à être arrivé à temps pour en faire la promotion. Je m’enquiers :

  • Le compositeur… vous parlez de Frédéric Melcour ?
  • C’est ça. Vous le connaissez ?
  • Non, mais je l’ai vu en concert et je serais heureux de le rencontrer.
  • Ça tombe bien. Il est juste derrière vous.

Je me retourne aussitôt. Il est tout près de moi en effet, un demi-sourire intrigué aux lèvres. Il me semble plus frêle que lorsque je l’avais vu, du fond de la salle, à demi dissimulé par le piano et les quatre autres musiciens du quintette. Sa main, que je serre dans la mienne, est fine et fraîche. Nous nous sourions. »

A partir de cette rencontre, un fil invisible et ténu va se tisser entre les deux hommes, un fil qui va devenir toile où ils se retrouvent tels deux araignées d’abord curieuses et un tantinet craintives face à cette situation inédite. Ce qui semblait presque incongru va s’imposer comme une évidence : ces deux-là nourrissent l’un pour l’autre une véritable passion, dévorante. Ils vont devoir se découvrir, physiquement et moralement, apprendre à accepter qui ils sont et non ce qu’on attend qu’ils soient n’hésitant pas pour cela à faire remonter à la surface des souvenirs dont certains s’avèrent particulièrement douloureux. Ainsi, Frédéric avouera-t-il à François (qui n’est autre que le double masculin de l’auteur) avoir été sauvagement violé à l’âge de 16 ans par trois autres lycéens plus âgés que lui. Cette terrible tragédie a laissé une terrible cicatrice chez le jeune Frédéric qui, depuis lors, a eu toutes les peines à accepter l’homme qu’il est  devenu.

Il y a des livres qui vous bousculent, mettent à mal votre conception du monde. Le roman de Dominique Faure est de ceux-là. La preuve, il m’aura fallu presqu’un an pour réussir à mettre des mots sur le flot des sentiments, souvent contradictoires, qu’il a suscités en moi, sur la pudibonderie insidieuse qui, à mon insu, coulait dans mes veines ? Mais n’est-ce pas là le propre des ouvrages majeurs ? D’autres que moi ne s’y sont pas trompés puisque Dominique Faure vient de remporter le prix du roman Gay 2022 dans la catégorie Romance.

Si Dominique Faure n’hésite pas à appeler un chat un chat, elle ne tombe pourtant jamais dans la vulgarité primaire en décrivant les scènes intimes entre les deux protagonistes. Et, croyez-moi, l’exercice requiert une grande qualité d’écriture que cette docteure ès lettre possède à la perfection.

Alors, si vous aussi, vous êtes prêts à mettre de côté tous vos a priori, je vous conseille de vous laisser emporter par la fine plume de l’auteur qui, avec grand talent et non moins de cœur, fera tomber certaines barrières invisibles encombrant parfois nos esprits. Chapeau bas Madame !    

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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 10:03

Bonjour,

pour les amoureux de littérature, sachez que j'aurais le plaisir de chroniquer ce jour, à 18 heures, sur les ondes d'IDFM radio Enghien, le roman de Dominique Faure "Frédéric, Instants de grâce" qui vient d'être récompensé par le prix du roman Gay 2022. Pour les afficionados franciliens des ondes hertzienne c'est sur la fréquence 98.00 que cela se passe et, pour le reste de l'univers, il faudra en passer par là : IDFM

A tout à l'heure j'espère !

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25 septembre 2021 6 25 /09 /septembre /2021 16:14

« Il était deux fois »

Franck Thilliez

Franck Thilliez est, depuis deux décennies, l’un des auteurs français les plus lus et un maître incontesté du thriller. Je dois cependant vous avouer, un peu honteux, que je n’avais jamais lu le moindre de ses ouvrages. Si je bénéficiais d’un soupçon d’estime auprès de vous, chers auditeurs, il est à craindre que celui-ci se soit évaporé à l’instant. Mais rassurez-vous, je vais tenter de me rattraper en vous livrant mon retour de lecture du roman « Il était deux fois » publié en 2020.

L’action débute en avril 2008 dans un hôtel de la petite ville de Sagas, cité imaginaire que l’auteur a placée dans la vallée de l’Arve, dans un paysage typique de ceux qu’on pourrait rencontrer du côté de Cluses ou de Sallanches. Ecoutez plutôt :

« On approchait les 23h30 quand le lieutenant Gabriel Moscato se présenta à l’accueil, l’un de ces lieux désuets où une moquette rêche, couleur châtaigne, tapissait les murs. Une collection de santons alignés sur des étagères lui donnait des airs de vieille auberge peu recommandable. Le gendarme connaissait le propriétaire du deux étoiles : Romuald Tanchon avait proposé un job d’été à sa fille pendant deux années consécutives et l’avait prise en stage. »

On peut immédiatement s’interroger : Pourquoi le gendarme se présente-t-il à une heure pareille à l’accueil de l’hôtel ? Tout simplement parce qu’il est à la recherche de sa fille Julie, âgée de 17 ans, qui a disparue un mois plus tôt alors qu’elle était partie pour une randonnée à vélo. Tout juste a-t-on retrouvé son VTT posé contre arbre. Depuis lors, rien de rien. Pas une trace, pas une piste, par le moindre mobile apparent qui pourrait aiguiller les recherches du lieutenant Moscato et, plus largement, celles de l’ensemble de la brigade de gendarmerie de Sagas qui s’est mobilisée pour tenter de la retrouver.

Ce soir-là, si Gabriel Moscato se présente à l’accueil de l’hôtel de la Falaise, c’est pour consulter le registre des clients de passage et plus particulièrement ceux qui y auraient séjourné les quelques jours autour de celui de la disparition de sa fille. Un vrai travail de fourmi pour tenter de débusquer un indice. Le patron de l’hôtel, compréhensif, consent à laisser le lieutenant compulser le registre et va même jusqu’à lui proposer de s’installer dans la chambre 29 au deuxième étage. Il suffira que le gendarme repose la clé sur le tableau lorsqu’il aura terminé. Sitôt installé dans la chambre, Gabriel Moscato s’attèle à la tâche, repensant sans répit à sa fille unique disparue comme s’il s’agissait d’un polar noir, sauf que là, c’est bien elle et lui qui sont au cœur de l’intrigue. En dépit de sa rage pour tenter de résoudre l’enquête, le lieutenant Moscato ne trouve rien de véritablement concluant si bien qu’au bout d’un long moment, ivre de fatigue après tant de nuis sans sommeil, il finit par s’endormir tout habillé sur le lit.

Quelques heures plus tard, il est réveillé par un bruit sourd, quelque chose vient de percuter la vitre de la chambre. Sans vraiment comprendre ce qui se passe, il sort de sa chambre et, au lieu de se retrouve sur le balcon de sa chambre, il parvient directement sur le parking de l’hôtel en compagnie d’autres clients qui, comme lui, ont été réveillés en sursaut. Le spectacle dépasse l’entendement, presque apocalyptique. Là, au beau milieu de la nuit c’est un fracas infernal d’oiseaux qui, tels des obus, semblent tomber du ciel par centaines, qui pour se fracasser sur le bitume du parking, qui sur les voitures qui y sont stationnées ou bien contre les murs de l’hôtel. Il pleut littéralement des oiseaux qui meurent dans un ballet cataclysmique. Puis soudain, plus rien. L’orage singulier cesse aussi brusquement qu’il avait commencé. Gabriel Moscato, harassé, retourne se coucher. Le lendemain matin lorsqu’il se réveille à plus de 11 heures, la gueule de bois et encore tout engourdi de sommeil, non seulement il ne retrouve pas ses affaires mais il réalise qu’il n’est plus dans la chambre où il s’était endormi. Quelques minutes plus tard, après être passé par l’accueil, Gabriel Moscato est à nouveau dans la chambre 29 et non dans la 7 où il s’est réveillé. Mais soudain, lorsque son regard croise un le miroir de la salle d’eau il constate avec effroi qu’il est face à une image de lui certes, mais un lui beaucoup plus vieux, pratiquement méconnaissable. Et pour cause, il ne le sait pas encore, mais nous sommes en 2020 et 12 ans se sont écoulés.

Qu’a-t-il bien pu se passer ? C’est à n’y rien comprendre, d’autant plus que Julie n’a toujours pas été retrouvée.

Désormais parachuté en 2020, Gabriel Moscato, va devoir remonter le passé, tenter de trouver des explications à tout cela et, surtout, reprendre sa quête pour tenter de résoudre l’énigme de la disparition de sa fille. L’homme, désespéré et obnubilé, va mette en œuvre toute l’énergie qui lui reste pour essayer de comprendre ce qui lui arrive et, évidemment, reprendre sa quête pour retrouver sa fille ainsi qu’il se l’est juré.

Dans ce roman diabolique Franck Thilliez nous emporte dans une enquête qui va nous plonger aux tréfonds de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus sombre, de plus torturé, de plus inavouable. Avec un sens du suspense jamais démenti, l’auteur nous tient en haleine jusqu’à une issue qui n’a rien de convenu mais qui, somme toute, est à l’image de l’atmosphère étouffante de des quelques 500 pages de l’ouvrage.

« Il était deux fois », un roman à dévorer sans modération.  

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25 septembre 2021 6 25 /09 /septembre /2021 09:32

Chers fans, foule en délire, 

C'est avec plaisir que je vous propose de nous retrouver à 17 heures sur les ondes d'IDFM où je chroniquerai le roman de Franck Thilliez "Il était deux fois" dans l'émission littéraire " Les mots des livres préparée et animée par l'excellente Laurence Ducournau. 

Pour les nostalgiques des postes radio c'est sur 98 FM en Ile-de-France et, pour tous les autres, c'est là que cela se passe : IDFM

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14 septembre 2020 1 14 /09 /septembre /2020 09:49

 

Olivier Adam tient une place particulière dans la littérature française. Il fait partie de ces rares auteurs qui fuient la lumière, peu enclin aux épanchements médiatiques, soucieux de préserver le jardin secret de sa vie privée. Il est donc peu probable que vous le croisiez un jour feignant de déambuler nonchalamment dans les rues de Saint-Germain des prés comme d’autres savent si bien le faire. D’ailleurs, voici 15 ans, Olivier Adam le francilien a choisi de quitter l’agitation parisienne pour s’installer à Saint-Malo. Dix ans d’exil volontaire avant de revenir dans la capitale.

Si Paul Lerner, écrivain de son état, a lui aussi alterné les résidences entre Paris et Saint-Malo, il a réalisé un trajet supplémentaire vers le port Breton. En effet, si ce n’est une poignée d’auteurs à gros tirages, les autres, dont Paul Lerner, remettent tout en jeu à chaque nouvelle sortie. Or les derniers livres de Paul, ceux-là même qui sont parus depuis son retour à Paris se sont très mal vendus. A tel point que non seulement Paul et sa famille n’ont pas d’autre solution que de retourner en Bretagne, mais qu’en plus, Paul est contraint de reprendre un travail pour assurer l’essentiel. C’est à ce moment précis qu’Olivier Adam nous embarque dans la nouvelle vie de Paul : « Son téléphone se mit à vibrer. Paul Lerner le laissa faire. Il avait depuis longtemps la réputation d’être injoignable. Avec les années, il s’était imaginé qu’on finirait par s’y habituer. Mais non. Tout le monde s’acharnait à le lui reprocher. Sarah, sa compagne. Manon et Clément, ses enfants. Sa mère. Ses amis – mais il lui en restait peu. Son éditeur à l’époque – une époque pas si lointaine en définitive, mais tout cela lui paraissait loin désormais, il y pensait comme à une autre vie, très ancienne, périmée. Et, ces temps-ci, Marion Gardel, rédactrice en chef de l’Emeraude, le journal local dont il rédigeait une bonne partie des articles. »

Voilà donc la nouvelle vie de Paul, loin de feux de la rampe, loin des mondanités germanopratines, loin de tout ce qui faisait de lui un écrivain à part entière, loin de cette notoriété, certes assez modeste, dont il avait voulu se griser. Loin aussi de cette inexorable descente vers l’anonymat des auteurs crève-la-faim, ce qu’il serait devenu plus rapidement encore s’il n’avait pu compter sur le petit pécule amoncelé du temps de sa réussite et les à-valoir que lui accordait son éditeur. En fuyant Paris, un peu comme on revient aux sources en catimini, la queue entre les jambes, Paul Lerner espère laisser derrière lui un bon paquet d’emmerdes, de turpitudes. En retrouvant les paysages et la météo malouine, Paul espère sans doute laver son existence, redécouvrir l’horizon et qui, sait, de nouvelles perspectives en écrivant ses articles depuis la paillote de bord de mer où il a pris l’habitude de s’attabler. Tout pourrait redevenir normal, calme, serein. Tout pourrait, mais la vie n’est jamais aussi simple que cela. Paul a eu beau partir, il traîne avec lui des fardeaux dont il ignorait l’existence. Et puis il y a les emmerdes, dont Jacques Chirac disait fort justement et avec un brin de fatalisme "Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille." Paul Lerner va pouvoir le vérifier par lui-même puisque, définitivement, son existence n’a rien d’un long fleuve tranquille.

Comment va-t-il réagir, saura-t-il faire face ou bien coulera-t-il à pic ? C’est là l’enjeu central du roman, un enjeu qui dépasse tout ce que Paul a pu écrire dans ses romans, un enjeu qui engage toute sa famille, sa compagne, ses enfants, sa mère et son père disparu. Une nouvelle fois, la maestria d’Olivier Adam réside dans sa capacité à nous interroger sur la porosité existant entre Paul Lerner et lui-même, tant dans les parcours de vie que dans les opinions, parfois bien arrêtées, qu’il prête au héros. Ainsi les politiques, qu’ils évoluent au niveau national ou local, et qui en prennent pour leur grade, le milieu de l’édition allègrement égratigné où le talent intrinsèque importe finalement assez peu, les relations avec celles et ceux qui prétendaient être ses amis et qui se sont volatilisés dès que Paul n’a plus présenté autant d’intérêt. Olivier Adam, à travers Paul Lerner, s’interroge à voix haute sur sa place dans la société, sur ses angoisses profondes, notamment sur l’absence, le sentiment de vacuité, le flux et le reflux des émotions qui, comme la météo malouine, peut être tellement cyclothymique. Tout comme Paul Lerner, nous sommes largement chahutés par des sentiments antagonistes, par ces vents contraires qu’Olivier Adam et ses personnages ont déjà affrontés.

Je ne saurais que trop vous recommander de lire ce très beau roman pour la force brute et la fragilité qui s’y mêlent à chaque page. Monsieur Olivier Adam, si vous écoutez cette chronique, votre modestie dû-t-elle en souffrir, sachez que vous êtes assurément un auteur de très grand talent.

 

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11 septembre 2020 5 11 /09 /septembre /2020 17:38

Ce samedi 12 septembre à 17 heures sur les ondes d’IDFM Radio Enghien je ferai une chronique du roman d’Olivier Adam « Une partie de  badminton » dans l’émission “Les mots des livres” animée par Laurence Ducournau.

 

IDFM LIVE


 

 

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20 juin 2020 6 20 /06 /juin /2020 16:11

Lorsqu’on parle de littérature islandaise on pense d’abord et avant toute chose à la littérature policière. Il faut dire que ce pays regorge de talents incroyables à commencer par l’exceptionnel Arnaldur Indridason, le talentueux Ragnar Jónasson sans oublier celle qu’il qualifie de reine du genre Yrsa Sigurdardóttir. La liste de ces auteurs venus du froid est longue comme le bras et est devenue la marque de fabrique des Éditions Zulma avec, à la traduction, l’incontournable Éric Boury qui excelle à faire passer dans notre langue toute la sensibilité de ces auteurs.

Mais la littérature islandaise ne résume absolument pas au genre policier, loin s’en faut. Là encore, le talent fleurit presque à chaque coin de rue parmi les 360 000 habitants, soit à peine plus que la population de Nice. Et, parmi tous ces talents il est une étoile qui brille un peu plus que les autres, celle d’Audur Ava Olafsdóttir. Je lui ai d’ailleurs déjà consacré quelques chroniques sur ces ondes dont une dédiée au magistral « Rosa Candida » qui, pour moi, est un roman majeur de notre époque.

Aujourd’hui, je vous présente « Miss Islande » un roman qu’Audur Ava dédie à ses parents ce qui, à n’en pas douter, ne relève pas du hasard. En effet, l’histoire débute en 1942. Dans la ferme familiale de la région de Dalir, une contrée isolée en direction des fjords de l’Ouest où les vallons de lave ont été sculptés par les rivières, dans cette région escarpée, terre des sagas islandaises, la femme va soudain accoucher, trois semaines avant terme. Pas le temps de prévenir un médecin. Le vieux vétérinaire venu pour inséminer une vache, ce qui devait être le dernier acte de sa longue carrière, est mis à contribution : sa dernière mission sera de mettre au monde un enfant. Un enfant, plus exactement une enfant, une petite fille que son père, passionné, obsédé même par les volcans de son île, décide de prénommer Hekla. Hekla ? Oui, oui, Hekla, du nom du volcan situé dans le sud de l'Islande, dans les Hautes Terres, un volcan qui culmine à près de 1500 mètres d’altitude et qui, en 1942, n’a pas connu la moindre activité depuis près de deux siècles mais qui, quatre ans plus tard reprendra du service et continuera à le faire à chaque décennie.

Cette petite Hekla nous la retrouvons en 1963, dans un autocar qui la conduit vers Reykjavík où, pense-t-elle, doit s’accomplir son destin, un destin singulier pour une fille de la campagne : Hekla sera écrivain, elle en est persuadée. Hekla porte l’écriture en elle, son sang bouillonne d’un flot créatif que rien ne peut éteindre.

Une femme écrivain, en Islande, en 1963 ? Là-bas, comme presque partout ailleurs, on imagine les femmes cantonnées dans un tout autre registre, un registre tenu par les hommes, un registre où le « Sois belle et tais-toi » semble gravé dans le marbre, un registre où avant toute chose les jeunes femmes doivent se marier, devenir mère de famille. Et, lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative, lorsqu’elles doivent travailler, on cantonne alors ces femmes dans des emplois subalternes sans grand intérêt.

C’est dans ce contexte social, dans l’autocar qui la conduit cahin-caha vers Reykjavík qu’Hekla est abordée par un homme d’âge mur qui vient s’installer à ses côtés.

- « Je vois que Mademoiselle regarde les garçons, déclare mon voisin. Une jolie fille comme vous n’a donc pas d’amoureux ?

- Non.

- Eh bien, eh bien, les garçons ne lui courent pas après ? Même pas un petit béguin ?

…/…

Mon voisin de car …/… me dit qu’un heureux hasard veut qu’il siège au bureau de l’Académie de Beauté de Reykjavík avec quelques-uns de ses bons amis… Le but de cette association est d’embellir la ville et d’inculquer à ses habitants le bon goût et les bonnes manières. C’est pourquoi elle organise depuis quelques années un concours de beauté… Nous recherchons pour participer à ce concours des jeunes filles qui ne seraient pas fiancées et dont la silhouette serait aussi gracieuse que le visage. Je sais reconnaître la beauté quand je la rencontre, voilà pourquoi j’aimerais vous inviter à briguer le titre de Miss Islande.

Je le toise.

- Non, merci.

Il insiste.

- Chacun de vos traits est aussi limpide qu’un jour d’été islandais…

Il plonge la main dans la poche de sa veste, en sort une carte de visite qu’il me tend. Un nom, un numéro de téléphone, et sous le nom : hommes d’affaires.

- Au cas où vous changeriez d’avis.

Il réfléchit un instant.

- Vous êtes vraiment charmante dans ce pantalon à carreaux. »

À Reykjavík, Hekla trouve d’abord refuge chez son ami, Jón John, un garçon d’une grande sensibilité qui, pour gagner sa vie, embarque pour d’harassantes campagnes de pêche alors qu’il ne rêve que de stylisme, alors qu’il aimerait pouvoir assumer son homosexualité, ce qui, en 1963 chez les descendants des vikings venus coloniser l’île relève de la gageure.

Hekla retrouve ensuite son amie Ísey qui partage avec elle l’amour des mots, mais qui, déjà mère de famille à 21 ans, se cache de son mari pour écrire ses pensées, car franchement, écrire, cela ne se fait pas.

Dans cette Islande-là Hekla parviendra-t-elle à accomplir son destin ? C’est l’enjeu affiché de ce roman qui, en fait, sonne pratiquement comme un manifeste féministe, un manifeste tout en nuances et en sensibilité, un manifeste qui nous oblige à réfléchir puisqu’aujourd’hui encore la parité n’est toujours pas de mise dans nos sociétés. Audur Ava Olafsdóttir possède un art précieux un art qui lui permet de faire passer des messages d’une grande force avec une délicatesse extrême, comme une douce violence car, ne nous y trompons pas, la poésie du propos soutient des idées puissantes comme les volcans d’Islande, puissantes comme la détermination d’Hekla.

Alors n’hésitez pas, courrez chez votre libraire et plongez-vous dans le cratère de ce puissant roman.

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23 mai 2020 6 23 /05 /mai /2020 22:08

Pour parler d’un ouvrage, il est parfois essentiel de commencer par parler de son auteur. Aujourd’hui il s’agit de Patrick Charriez. Si je devais choisir un qualificatif pour décrire cet homme-là (si tant est que la chose soit possible) je choisirais sans hésiter un instant l’adjectif éclectique. En effet, Patrick se distingue par son parcours protéiforme. Ingénieur de formation, il a ensuite décidé de se tourner vers l’enseignement. Afin de satisfaire son insatiable curiosité et son désir de partager sa vision de l’existence, c’est logiquement que Patrick s’est tourné vers l’écriture. L’écriture mais pas n’importe quelle écriture : une écriture singulière, qui sort des sentiers battus, qui ouvre de nouvelles perspectives en se jouant des mots, de leurs sonorités, du sens ou plutôt des sens (d’essence écrirait Patrick) qu’ils portent en eux.

Figurez-vous chers auditeurs que cet ouvrage, intitulé « Postverbes », ne ressemble à rien de ce que vous avez pu lire jusqu’à ce jour. Il s’agit tout simplement d’un ofni c’est-à-dire un objet littéraire non identifié. 

Le préambule du livre nous apprend qu’« en opérant de simples transformations, l’auteur revisite dans cet ouvrage plus de 300 proverbes et citations, créant ainsi ce qu’il appelle des postverbes, une matière riche, à rire mais aussi à réfléchir et à méditer. Les métamorphoses opérées peuvent porter tour à tour sur :

  • La matière même de la langue, les mots, générant parfois l’absurde

  • Les sonorités

  • La ponctuation

  • Le sens même du proverbe, avec notamment l’influence de l’esprit des koans du bouddhisme, ainsi que celle de réflexion issu d’un long chemin de développement personnel.

Certaines sentences originales, à la portée parfois moralisatrice et fermée, voire guerrière, changent alors de perspective, pouvant inviter le lecteur à une prise de conscience et à une vision plus positive et ouverte.

Sans oublier l’humour, certes quelques fois graveleux, dont l’auteur feint de vous prier de l’excuser. »

Personnellement, j’ai abordé la lecture de cet ouvrage comme je l’aurais fait avec un recueil de poèmes, choisissant de picorer au hasard des postverbes, tout en regardant les nombreuses photos et illustration figurant en regard de certains d’entre eux. Si vous peiniez à retrouver les citations et proverbes originaux, pas de panique, Patrick les a numérotés et regroupés à la fin de chaque chapitre. Pour tout vous dire, chercher à retrouver la version originale des postverbes est devenu un jeu dans notre maison. Et, croyez-moi, cela engendre immédiatement la bonne humeur. Peut-être y a-t-il là matière à réfléchir…

Ainsi que l’écrit Patrick « il ne faut pas réveiller le chien qui mord ».

Envie d’autre chose, d’un livre à nul autre pareil, alors n’hésitez pas à vous procurer le livre de Patrick Charrier, « Postverbes » paru aux éditions « nombre7 ».

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23 mai 2020 6 23 /05 /mai /2020 11:43

La période du confinement a été propice à la lecture, surtout si, comme moi, vous ne souhaitiez pas regarder en boucle les flashs info post-apocalyptiques.

Voici venu le temps de partager quelques-unes de mes lectures de soirée sur les ondes d'IDFM dans l'émission Les mots des livres animée par Laurence Ducournau

Alors rendez-vous à partir de 17 heures ici IDFM LIVE  ou bien sur les ondes hertziennes (98 FM en Île-de-France).

Aujourd'hui la chronique sera consacrée à Patrick Charriez pour son ouvrage "Postverbes".

 

 

 

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